Provins : la Tour 18 ne répond plus
- Alexandra Sobczak
- 31 mars
- 4 min de lecture

Encore un patrimonicide non élucidé, et si la Tour 18 ne répond plus, c’est simplement parce qu’elle a été détruite.
D’ailleurs, il n’y a pas que la Tour qui ne répond pas. La municipalité semble s’obstiner à ne pas donner d’explications, alors que de nombreux provinois se sont émus de cette démolition surprise.
En effet, aucun affichage ne faisait état de la destruction prochaine.

Le maire de Provins, Olivier Lavenka, a simplement fait savoir que la Tour avait été jugée dangereuse, justifiant ainsi cette démolition, mais si tel était le cas, il nous semble curieux qu’aucun arrêté de péril n’ait été délivré et clairement affiché.
Située en ville basse de la célèbre citée médiévale, dont la ville haute est classée au patrimoine mondial de l’Unesco, la Tour 18 n’était certes plus entretenue depuis longtemps, mais elle était là depuis le XIIIe siècle, alors elle aurait sans doute mérité quelques égards et, d’ailleurs, si elle n’avait réellement aucun intérêt, comme semble le penser le maire, alors elle ne figurerait pas dans de nombreux ouvrages historiques.

Nous avons recueilli le témoignage de Monsieur Loïc Desselas, qui nous a alerté, et qui nous relate ici la chronologie des faits.
«C’est avec stupeur que le mardi 4 février 2025, les promeneurs habitués de la promenade des remparts, voient une pelleteuse hydraulique équipée d’un gros marteau piqueur, en train de démolir la Tour 18 des remparts de Provins. Une tour du XIIIe siècle, répertoriée par plusieurs historiens, dont le dernier en 1979.
Alerté par mes amis, je suis sur place le lendemain, et nous contactons la Mairie pour faire cesser la démolition, mais personne pour nous répondre à part pour nous dire qu’ils ne sont pas au courant du dossier.
Le jeudi 6, le vendredi 7, le lundi 10 février, même scénario, le marteau piqueur à l’ouvrage, et la mairie de Provins toujours muette. Pendant ces 5 jours de destruction nous diffusons l’information sur les réseaux sociaux avec de nombreuses photos pour alerter les provinois.
Cette destruction est d’autant plus incompréhensible que le projet de « voie verte », actuellement en cours de travaux, contourne largement les Tours 16-17 et 18.
Alors comment peut-on expliquer l’inconcevable ? Détruire une Tour du XIIIe siècle dans une ville UNESCO, moi qui pensais que ce label était synonyme de sauvegarde du patrimoine local.

À la séance du 12 février du Conseil Municipal, le maire explique enfin que « la destruction de la Tour fait suite à un rapport d’expertise prouvant que la Tour menaçait de s’écrouler, et devait être mise en sécurité. De toute manière elle n’est ni inscrite ni classée, elle sera reconstruite ».
Moi qui passe au pied de ces Tours tous les matins pour promener mon chien, je n’y ai jamais vu une pierre déchaussée.
Le 17 février, le député Julien Limongi a écrit au maire pour demander une copie de ce rapport d’expertise, ainsi que du marché contracté avec l’entreprise COLAS pour connaitre le coût pour les provinois de cette destruction/reconstruction mais cette lettre restée sans réponse à ce jour.
Il va falloir que les provinois se groupent pour veiller à leur patrimoine … comme des guetteurs en haut de leur Tour.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons nous constituer en association, afin que le patrimoine de Provins, même le plus modeste, soit respecté et valorisé comme il se doit.»
Loïc DESSELAS
Monsieur Julien Limongi, député de la circonscription nous a également alerté.
Face au mutisme de la municipalité, il a décidé de saisir la CADA (Commission d'accès aux documents administratifs), afin d’obtenir copie des documents justifiant la démolition de l’édifice et a alerté Madame Rachida Dati, Ministre de la Culture, qui lui a répondu qu’elle allait se rapprocher de la DRAC pour avoir un complément d’information.

Nous saluons l’intérêt de Monsieur Limongi envers le patrimoine, car on ne peut pas dire que les parlementaires qui s’impliquent dans cette cause soient nombreux, ou alors ils le sont en paroles, mais jamais en actes, nous sommes bien placés pour le savoir.

Une fois encore, nous insistons sur le fait que le patrimoine ne doit pas être otage de la politique, mais nous ne comprenons absolument pas pourquoi Monsieur le Maire s’obstine à refuser de produire les documents attestant de la régularité de cette démolition, car si tout a été fait dans les règles de l’art, alors pourquoi ne pas faire toute la lumière sur cette triste affaire qui continue à faire couler beaucoup d’encre, et qui agace profondément une grande partie de la population provinoise attachée à SON patrimoine.
L’occasion de rappeler cette célèbre phrase de Manuel Gonzalez Prada, qui, il y a exactement 100 ans, en 1915, a écrit : « Les grandes œuvres se distinguent par leur accessibilité, car elles n'appartiennent pas au patrimoine de quelques élus, mais à celui de tous les hommes doués de bon sens. »
À suivre…
Crédits photographiques Loïc Desselas