C’est en 2023 que le Président Macron a annoncé son grand plan églises. Plan qui repose essentiellement sur une souscription publique qui a pour but de financer la restauration du patrimoine religieux, à hauteur de 200 millions d’euros.
Comme nous l’avons déjà dit à maintes reprises, 200 millions d’euros à diviser par 100 départements français, cela fait 2 millions d’euros par département.
Or, 2 millions d’euros, c’est le coût moyen de restauration d’un édifice dont on ne s’est pas préoccupé pendant plusieurs années. Alors 2 millions d’euros à diviser par le nombre d’églises en souffrance dans chaque département, nous ne sommes pas certains que cela améliore sensiblement le sort du patrimoine religieux en France.
L’autre mesure de ce plan serait de classer au titre des Monuments Historiques un certain nombre d’édifices, notamment ceux qui datent du XIXe, ce siècle « maudit » par de nombreux professionnels du patrimoine, la chapelle Saint-Joseph à Lille étant le plus bel exemple de ce mépris.
Alors oui, nous applaudissons des deux mains, si certaines églises bénéficient d’un classement, puisqu’en théorie, elles ne pourront pas être démolies. Mais nous savons tous qu’une fois que ces bâtiments sont protégés MH, les exigences des Architectes des Bâtiments de France entraînent des coûts de restauration intenables pour les petites communes rurales. Et même si la protection permet d’accéder à des subventions pouvant aller (en théorie) jusqu’à 80%, nous sommes convaincus que beaucoup de communes refuseront le classement.
Afin d’étayer nos propos, nous avons interrogé le Maire d’une petite commune de la Région Grand Est, voici sa réponse :
"En tant que maire d'un village où se situe une église pour laquelle nous envisageons des travaux, la question du classement ou non s'est posée. Il y a d'un côté comme de l'autre pas mal d'avantages et d'inconvénients.
Coté avantages, des aides parfois plus généreuses (je dis parfois, car il existe aussi des aides spécifiques pour les patrimoines "non classés") et l'accès à des organismes d'aides qui sont spécifiques pour le patrimoine classé. Au-delà des aides, il y a aussi la reconnaissance morale de la valeur du patrimoine lui-même, qui peut être mieux reconnu par les habitants.
Parmi les inconvénients, j'en citerais deux. Tout d'abord pour les habitants proches de l'église : le renforcement des obligations pour les propriétaires et la réduction des choix possibles pour les couleurs, matériaux, et formes des fenêtres, portes... Habiter à proximité d'un site classé implique des contraintes et qui ne sont pas forcément bien accueillies.
La seconde problématique est l'obligation de passer par certaines certifications pour certains travaux sur l'édifice lui-même. Par exemple, dans notre cas, pour la reprise des tuiles rouges (tuiles classiques, semblables à une maison d'habitation) qui constituent la toiture des chapelles latérales et de la sacristie, nous ne pourrions plus faire appel à un artisan "classique" car il lui faudrait des certifications supplémentaires. Dans ces moments où nous avons déjà beaucoup de mal à trouver des artisans, cela peut rendre certains travaux impossibles (soit pour des questions de disponibilité d'artisans, soit pour des questions de coût).
De notre côté, après discussion en Conseil Municipal, nous avons décidé de rénover progressivement l'édifice, mais sans passer par une procédure de classement. »
Nous imaginons aisément que beaucoup d’élus pensent la même chose. Cependant, saluons ce « petit effort » consenti par l’État avec son plan églises, c’est tout de même mieux que rien.
En revanche il est regrettable qu’aucune proposition ne soit faite en ce qui concerne les démolitions. Une porte avait été ouverte par l’ancien Secrétaire d’État à l’Outre-Mer, Yves Gégo, en 2016, qui avait demandé une loi interdisant la démolition des édifices religieux suite à l’assassinat du Père Hamel, mais la porte a été refermée tout de suite.
Tant que des dispositions fortes et courageuses ne seront pas prises en faveur de nos églises et de nos chapelles, les pelleteuses pourront s’en donner à cœur joie, comme ce fut le cas cette année à La Baconnière, au Genest Saint-Isle et à Armentières.
Combien d’édifices tomberont en 2024 ? Les paris sont ouverts…
Une chose est certaine, nous sommes prêts à déposer tous les recours nécessaires pour éviter de nouveaux patrimonicides de ce genre, à condition que nous soyons informés assez tôt et que vous soyez nombreux à soutenir Urgences Patrimoine en adhérant, ou en faisant un don. Il ne reste que 3 jours pour défiscaliser en 2023, c’est peut-être le bon moment de faire un petit geste.
"Le patrimoine ne peut pas lutter, ensemble, nous pouvons"
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