Rouen : Ah ça ira, ça ira, ça ira...
- Alexandra Sobczak
- il y a 11 minutes
- 4 min de lecture

Le coût prohibitif des festivités du 14 juillet orchestrées par Thomas Jolly, déchaîne les passions ces derniers jours à Rouen.
Élus et habitants sont vent debout, et ne comprennent pas comment la ville peut dépenser 11 millions d’euros pour un seul événement. Événement d'une durée de 1h30.
On peut quand même s’étonner que personne ne s’émeuve des 70 millions d’euros (et sans doute bien plus), qui vont être dépensés pour faire du mythique Muséum d’Histoire Naturelle de Rouen, un centre culturel high tech, tout en laissant à l’état d’abandon ou presque, les bâtiments des anciennes facultés, dont la restauration était initialement prévue dans le projet.
« Nous n’avons pas les moyens de les restaurer », larmoient en permanence les responsables du patrimoine et de la culture de la ville et de la Métropole.
Et pour cause, on ne peut pas restaurer des bâtiments, qui sont pourtant les témoins de la science et de la connaissance, parce qu’on préfère défigurer un cloître classé Monument Historique en lui flanquant dessus une tour en verre de trois étages laquelle, non contente de défigurer le cloître, va défigurer tout le quartier qui se trouve en secteur sauvegardé.

Mais comme personne ne manifeste la moindre opposition au projet, et que notre Ministre de la Culture reste sourde à nos appels de mise en instance de classement d’urgence, et que le Tribunal administratif n’a toujours pas fixé de date d’audience plus d’un an après le dépôt de notre requête, le démantèlement se poursuit lentement mais surement. Mais revenons à l'événement de l'année...
Cette polémique au sujet du 14 juillet nous permet de comprendre une chose : de l’argent, on sait en trouver pour des projets hors sol et mégalos, mais lorsqu’il s’agit de restaurer le patrimoine, c’est autre chose.
Exemple :
À quelques mètres du Muséum d’Histoire Naturelle et du Musée des Antiquités, se trouve la sublime Fontaine Sainte-Marie. Enfin, ce qu’il en reste, car son état est plus que préoccupant. La pierre utilisée par le grand sculpteur Alexandre Falguière n’était peut-être pas d’excellente qualité, et l’édifice semble relativement fragilisé. Fragilisé surtout par le manque évident d’entretien.

Pourtant, cette imposante fontaine est classée Monument Historique depuis 1995, et nous connaissons les obligations envers un monument classé.
Mais cela n’a pas l’air d’inquiéter la ville, qui diffère la restauration d’année en année.
En 2022, on pouvait lire dans la presse locale que la restauration aurait lieu de 2024, puis toujours dans la presse locale, on nous annonçait que la fontaine serait restaurée en 2025 ou 26.

Nous arrivons doucement et surement au milieu de l’année 2025, et comme sœur Anne, nous ne voyons toujours rien venir.
C’est un peu comme pour la réouverture du Muséum, qui portera le « joli » nom de « pôle muséal Beauvoisine ». Sa réouverture était annoncée pour 2028, puisque Rouen était persuadée de remporter le titre de Capitale Européenne de la Culture. Mais pas de chance, Rouen n’a pas remporté le titre, donc pour la réouverture, c’est la grande inconnue. D’ailleurs Madame Renou, qui est en charge de la culture à la Métropole, l’a dit il y a quelques mois dans la presse : « nous ne sommes plus pressés ».
Toujours est-il, qu’en se qui concerne notre pauvre fontaine, le temps presse vraiment.
Le budget pour la restauration et la mise en eau s’élève à 900.000 euros.
Certes c’est une somme, et comme ne cessent de le répéter les élus rouennais : « le patrimoine coûte cher ».
Tellement cher, que l’on n’hésite pas à « magouiller » avec les marchés publics pour la restauration du patrimoine, et que l’on se retrouve condamné par le Tribunal Administratif à
979 961 € d’amende. Pile poil le montant de la restauration de la Fontaine Sainte Marie.
Comme quoi, la ville peut se permettre de dépenser sans compter.

Alors 11 millions d’euros pour les festivités du 14 juillet, qu’est-ce que c’est ? D’autant que le public pourra sans doute se délecter de quelques décapitations en règle, mais ce sera dans le thème. On nous fera sans doute bruler une fois encore notre pauvre Jeanne d’Arc au sein d’un spectacle pyrotechnique éblouissant, et l’on fera danser quelques jeunes éphèbes dénudés au pied de la statue de Napoléon, peinte en rose bonbon pour l’occasion.
Vous pensez que nous exagérons ? Peut-être, et il est vrai que nous manquons cruellement d’occasion de faire la fête. Mais autant d’argent investi, est-ce bien raisonnable, alors que l’État et les collectivités appellent à se serrer la ceinture, et que des dizaines de manifestations culturelles sont annulées cette année faute de budget.
Mais cela n’a pas l’air de gêner Nicolas Mayer Rossignol, Maire de Rouen, plus préoccupé par son élection à la tête du Parti Socialiste, que par l’avenir du patrimoine de sa ville.
En tout cas, grâce à cette polémique, nous apprenons aujourd'hui qu'il y a des élus d'opposition à Rouen, parce que jusqu'alors, nous avions quelques doutes.
Parce que 70 millions d'euros pour rayer de la carte le deuxième plus beau muséum de France, cela les a tout de même laissés de marbre. Merci Thomas Jolly !
Note pour les touristes qui viendront faire la fête le 14 juillet : Venez en vélo ou en trottinette, car les places de stationnement sont rares et chères, et la circulation de plus en plus difficile pour les véhicules à quatre roues. Et attention à vos effets personnels, Rouen est classée 4eme au palmarès des villes les plus dangereuse de France. Mais bon, les festivités vaudront sans doute la peine, en tout cas, vous savez d’ores et déjà qu’elles vaudront 11 millions d’euros, alors : « ah ça ira, ça ira, ça ira ! »
En parlant d'euros, nous nous permettons de vous rappeler qu'Urgences Patrimoine ne bénéficie d'aucune subvention publique. Inutile de demander à la Métropole de Rouen quelques deniers pour défendre le patrimoine, elle ne nous donnera pas un centime.
En revanche, vous pouvez nous permettre de financer nos recours contre les démolisseurs en cliquant sur ce lien : https://www.helloasso.com/associations/urgences-patrimoine/collectes/l-engagement-c-est-maintenant
Car n'oubliez pas : "si vous ne participez pas à la lutte, vous participez à la défaite" (Bertolt Brecht)